Les débuts de la radioastronomie en France

Avant Nançay

C’est après la seconde guerre mondiale que les recherches commencent sur une plus grande échelle avec du matériel militaire recyclé  (allemand, américain..). En 1946/47 le laboratoire de Radioastronomie est fondé à l’ENS par Yves Rocard. Premiers instruments installés sur le toit du labo de physique rue Lhomond : un miroir de 1,5 m (ex projecteur antiaérien de l’US Air Force, voir photo ci-dessous) une antenne de petit radar Würzburg de 3 m de diamètre et 6 antennes Yagi sur une monture équatoriale.

Projecteur anti-aérien américain monté en radiotélescope sur le toit de l’ENS en bande X

Yves Rocard

Jean-François Denisse

Jean-Louis Steinberg

A partir de 1947 à l’ENS le service d´observation en ondes radio créé par Yves Rocard est dirigé par Jean-François Denisse et Jean-Louis Steinberg. En 1948 est faite l'acquisition de 3 antennes de radar Allemand « Riese-Würzburg » de 7,5 m de diamètre. Deux sont installées à Marcoussis, la troisième à Meudon pour un membre indépendant de l’équipe : Laffineur (le socle est encore près du bassin, en face du restaurant).

En 1949 un des « Würzburg » de Marcoussis observe à 158 MHz l’éclipse du Soleil le 28 avril, avec des résultats inutilisables. Par contre, les résultats du Würzburg de 3 m et de celui de Meudon montrent que le Soleil radio n’est pas uniforme, en raison de zones actives. Une éclipse de Soleil annulaire est observée en 1951 à Markala (aujourd’hui au Mali) le 1er septembre, avec l’ancien projecteur à 9350 MHz et un ancien radar à 169 MHz.

Une des deux antennes Würzburg de Marcoussis

L'antenne Würzburg de Meudon sur son socle toujours présent devant le bassin, près du restaurant. Elle sera transférée plus tard à l’Observatoire de Bordeaux.

Le 25 Février 1952 a lieu une observation d’une éclipse de Soleil à Dakar avec le même ancien radar. C'est ainsi qu'une première idée de la forme du Soleil radio à partir de ces deux éclipses est formée. Des premières franges à 3 cm sont obtenues avec un interféromètre sur le toit du labo de l’ENS. La même année, à Marcoussis, est installé un interféromètre solaire à 2 antennes cylindro-paraboliques mobiles, à 9350 MHz, utilisé jusqu’en 1954. De 1954 à 1956 l'une des deux « Würzburg » de Marcoussis est utilisée pour une carte de la Galaxie à 900 MHz, l’autre antenne me semblant avoir été peu utilisée. Enfin en 1955 Arsac installe à Marcoussi un nouvel interféromètre solaire : 4 paraboles de 1,1 m en position non-redondante 0 1 4 6 sur une poutre est-ouest, à 9350 MHz.

À Nançay

1952 marque un tournant dans la radioastronomie française, J.F. Denisse obtient les moyens pour construire un plus grand observatoire : la Station de Radioastronomie de Nançay (Sologne). L'année suivante Yves Rocard (directeur du labo de physique de l’ENS) et André Danjon (directeur de l’Observatoire) s'accordent pour le transfert du groupe à Meudon et la fondation de Nançay. S'en suit l'achat du terrain par l'ENS, qui en est toujours propriétaire à ce jour.

Les années suivantes, les premiers instruments sont apportés à Nançay et mis en fonction avec plus ou moins de succès:

Antennes Würzburg à Nançay montées en interféromètre à base variable (rails).

Interféromètre Est-Ouest à Nançay à 169 MHz(1ère version).

En 1957 débute la construction du plus célèbre instrument du site : le Grand Radiotélescope de Nançay (GRT) dont la première partie sera inauguré cinq ans plus tard. C'est en 1960 qu'a lieu la publication chez Dunod de « Radioastronomie » de Steinberg et Lequeux, traduit en 1963 en anglais et en russe. Il suscitera bien des vocations. Steinberg et Denisse créent le Service d’astronomie spatiale en 1963 où Steinberg travaillera à plein temps à partir de 1965-66 trandis que Denisse prend la direction de l’Observatoire de Paris et est remplacé par E.J. Blum. C'est à cette époque que les premières idées d’un interféromètre millimétrique (Blum, Lequeux) apparaissent.

Inauguration officielle du « GRT » par le Général de Gaulle, alors Président de la République,
le 15 mai 1965. Seule la mécanique est terminée, les instruments sont en cours de réalisation ou de tests.

Après l'inauguration officielle du GRT, en 1966, James Lequeux crée le groupe infrarouge avec notamment Jean Gay, Jean-Pierre Verdet et Yves Zéau. Un peu plus tard arrive un ingénieur, Vanhabost. Un observatoire en commun avec l’Observatoire de Genève est monté au Gornergrat, au dessus de Zermatt (Suisse), pour des observations submillimétriques. Un détecteur de Golay et spectromètre de Fourier embarqués sur des ballons du CNES permettent d’obtenir le premier spectre submillimétrique du Soleil. En septembre 1968, ce groupe est confié à Pierre Léna, James Lequeux partant pour un an à Caltech (CA, USA). J. Gay part quant à lui à l'observatoire de Grasse pour construire un interféromètre infrarouge. La mise en service opérationnelle du GRT se fait à la fin de l’année suivante.

En 1971, année où le laboratoire devient le DERAD, un incendie éclate le 2 septembre au laboratoire de l'interféromètre solaire à Nançay, sa reconstruction prendra trois ans. À cette période, un étudiant étranger, Jésus Gomez-Gonzales, intègre le groupe de recherche pour une thèse encadrée par James Lequeux et soutenue en 1974. Jésus Gomez-Gonzales deviendra par la suite le Directeur de l’Observatoire de Madrid et de la station de radioastronomie de Yebes (Espagne).

Membre du laboratoire à cette époque (liste non-exhaustive)

Salon de la station de Nançay
(E.J. Blum à gauche et A. Boischot à droite) 

Membres initiaux : Jean-François Denisse, Emile-Jacques Blum, Jean-Louis Steinberg, Jacques Arsac, Ilya Kazès.I. Alon et Bernard Vauquois, qui ont quitté le groupe peu avant 1954. S. Zisler et H. Lestel ont travaillé entre autre aux expéditions d’éclipse en 1949 et 1951 respectivement. P. André, J. Mosnier et Michel Jorand ont travaillé sur la radioastronomie solaire. Arrivés un peu plus tard, avant 1954 : Yvette Avignon, André Boischot, Emile Le Roux, l’abbé Paul Simon, Le Roux, qui a quitté le groupe en 1965 pour l’Université de Rennes. Arrivés entre 1955 et 1959 : Michel Ginat, Marc Vinokur, Jean Heidmann, Mohan Joshi, Marcel Parize (ingénieur mécanicien). Mukul Kundu et Constantin Caroubalos ont séjourné plusieurs années dans le groupe avant de partir respectivement pour les USA et la Grèce.

Pendant l’année scolaire 1954-1955, plusieurs personnes ont fait leur Diplôme d’Etudes Supérieures dans le groupe : Geneviève Benoit (épouse de J. Lequeux en 1956), Jean Delannoy, Bernard Morlet et James Lequeux. Geneviève Benoit est ensuite partie dans l’enseignement, Bernard Morlet vers la géophysique, tandis qu’après un long service militaire (27 mois, c’était la guerre d’Algérie) Delannoy et James Lequeux sont revenus dans le groupe en janvier 1959. François Biraud est arrivé un peu après.

Anne-Marie Malinge et Monique Pick ont fait leur Diplôme d’Etudes Supérieures avec l’Abbé Simon après 1955 et à Nançay Bernard Darchy, Jacqueline Couteret, etc.., puis sont entrés définitivement dans le groupe ensuite : François Biraud, Leonid Weliachew ainsi que Eric Gérard vers 1965; Gérard Beaudin, Maurice Gheudin, et Alain Germont en 1966/67; Michel Guélin et Pierre Encrenaz (après son séjour aux USA/Bell Labs) sont arrivés vers 1970.

Côté radioastronomie solaire, arrivée comme chercheurs : Bernard Clavelier, Michel Moutot, Gérard Trottet, Yolande Leblanc, Pierre Lantos. Pour les techniciens et ingénieurs « solaires » : Claude Chantelat, Christian Couteret, Alain Gerbault, Jean-François Mangin, Roland Tocqueville, puis Michel et Yvette Chapuis...

De gauche à droite (années 1969/70 ) : Michel Chapuis, Maurice Gheudin, Alain Germont
et Gérard Beaudin : Jogging en forêt de Meudon

Les mêmes sans Mr Chapuis mais avec J.Pezzani à droite quarante cinq
ans de radioastronomie plus tard, arpentant le terrain des antennes de LOFAR à Nançay !



d'après James Lequeux