Petite Histoire du LERMA

Brève Introduction sur la Radioastronomie


La découverte des ondes hertziennes, à la fin du XIXème siècle, avait donné l’idée à quelques astronomes que le Soleil pouvait bien émettre ces ondes radioélectriques comme il émettait des ondes lumineuses, mais les tentatives de Lodge, Nordmann, Deslandres pour détecter les émissions radioélectriques du Soleil avaient échoué. C’est en 1931, que l’américain Karl Jansky, ingénieur des laboratoires de la Compagnie Bell-Telephone, découvrait fortuitement un bruit radiophonique émis par la Voie Lactée dans les longueurs d’onde de l’ordre du mètre. Une nouvelle technique d’étude, basée sur l’émission des ondes hertziennes, devait naître durant la dernière guerre mondiale du progrès de la technique des RADARs, ouvrant à l’astrophysique un nouveau domaine spectral qui devait profondément modifier notre conception de l’Univers. Mais ce n’est qu’à partir de 1946, que la radioastronomie allait réellement se développer.

L’ENS et la création de la Station de Nançay


Le LERMA est issu, à sa toute première origine, d’un petit groupe de chercheurs du Laboratoire de Physique de l’ENS, dirigé alors par Yves Rocard, qui ont fondé en 1946 le groupe de Radioastronomie de l’ENS.

Les premiers équipements consistaient en du matériel radar récupéré de l’US Air Force et des antennes " Würzburg " allemandes : un télescope de 3m de diamètre installé sur le toit de l’ENS puis deux " Riese-Würzburg " (Würzburg géants de 7,5 m de diamètre) installés sur le terrain du Centre de recherche de la Marine à Marcoussis.

Le transfert du groupe à Meudon et l’achat du terrain de Nançay par l’ENS furent effectués en 1953/54 dans le cadre d’un accord entre Yves Rocard et André Danjon, Directeur de l’Observatoire de Paris. Dès 1955, les premiers instruments sont installés à Nançay (dont un interféromètre solaire). La réalisation du " Grand Radiotélescope " en ondes décimétriques (GRT) a commencé en 1957.

Le laboratoire en charge de ces développements, observations et gestion du site de Nançay, et de ses instruments était situé dans les communs de l’Observatoire à Meudon sous la désignation de " Service de Radioastronomie Expérimentale".

La première des antennes Würzburg de 7.5m
montée sur un wagon à Marcoussis

Yves Rocard

Le Service de Radioastronomie Expérimentale à Meudon

Ce Service a été créé à Meudon par Jean-François Denisse en 1963 alors que Jean-Louis Steinberg créait de son côté le Service de Radioastronomie spatiale (ensuite nommé DESPA et maintenant le LESIA).

Jean-François Denisse

Jean-Louis Steinberg

Émile-Jacques Blum

J.F. Denisse, nommé en 1964 à la direction de l’Observatoire (puis par la suite de l’INAG qu’il a créé en 1967, devenu INSU par la suite) a été remplacé par Emile-Jacques Blum. Le Service de Radioastronomie expérimentale de Meudon alors dirigé par Emile-Jacques Blum gérait la station de radioastronomie de Nançay, dont les premières installations datent de 1955, et tout particulièrement le " Grand Radiotélescope " dont la construction a débuté en 1957 et qui fut inauguré officiellement en 1965 par Charles De Gaulle, Président de la République : cependant la mise en service réelle n’a lieu qu’en 1967.

Le GRT : Grand Radio télescope de Nançay (Cher) de 350 m x 35 m,
en ondes décimétriques (1,4 GHz / H1 et à 1,7GHz /OH)

Les développements d’instrumentation plus performante pour ce "Grand Radiotélescope" ainsi que pour les interféromètres solaires de la station se sont poursuivis tout au long de cette période ainsi qu’ultérieurement jusqu’à nos jours. James Lequeux qui avait effectué sa thèse sur l’interféromètre de Nançay comprenant 2 antennes "Würzburg" se déplaçant sur des rails, crée le groupe infrarouge à Meudon en 1966 qui, à la suite de son départ à Caltech en 1968, est alors dirigé par Pierre Léna. Emile Blum développe dès 1967 avec James Lequeux les premières idées d’un interféromètre en ondes millimétriques. A cette même époque, Jean Delannoy, qui avait participé à la réalisation du GRT à Nançay, part à l’Observatoire de Bordeaux afin de concrétiser le projet d’un petit interféromètre solaire en ondes millimétriques à 35 GHz, (Jean deviendra directeur de cet observatoire avant de rejoindre l’IRAM ultérieurement).

L’interféromètre millimétrique solaire à l’Observatoire de Bordeaux à 8mm de longueur d’onde (35 GHz)

LE DERAD

Le Département de Radioastronomie (DERAD) est né en 1971 suite à la restructuration de l’Observatoire et la mise en place de nouveaux statuts de type universitaire et " démocratiques " faisant suite au changement de régime " post 1968 " des universités et établissements assimilés. L’Observatoire n’était alors plus dirigé par un Directeur nommé par le Ministère (les derniers directeurs de l’Observatoire étaient Danjon puis J.F. Denisse) mais l’Observatoire est désormais dirigé par un Président élu assisté de Conseils élus par le personnel… et les " Services " sont devenus des " Départements " dirigés par des directeurs élus assistés de conseils élus...

Le DERAD, issu du " Service de Radioastronomie expérimentale " dirigé par Emile-Jacques Blum, était situé (comme le DEMIRM par la suite) dans les " communs " de Meudon. Bien que les activités scientifiques étaient centrées essentiellement sur le "  Grand Radiotélescope ", le DERAD gérait toujours aussi la station de radioastronomie de Nançay.

Après Emile-Jacques Blum, les directeurs successifs du DERAD (qui furent à l’origine de l’IRAM créé en 1979) ont été à cette période : James Lequeux, Léonid Wéliachew, Jean Guibert...

James Lequeux

Leonid Wéliachew

Jean Guibert

Les radioastronomes " solaires " réunis autour de Monique Pick et d’André Boischot étaient hébergés soit au sein du Département de Radioastronomie Spatiale (plasma solaire) dirigé par JL Steinberg, qui deviendra par la suite le DESPA, puis le LESIA, soit au Département de Physique solaire (DASOP) de Meudon qui sera intégré ultérieurement au LESIA.

Dès le début des années 1970, quelques chercheurs, ingénieurs et techniciens de Meudon et de l’ENS autour de E.J. Blum, James Lequeux, Pierre Encrenaz (de retour d’un long séjour post-doctoral aux Bell Labs, USA) et de Gérard Beaudin (responsable de laboratoire de R&D et d’instrumentation) ont développé des premières activités technologiques, instrumentales et observationnelles en ondes millimétriques. En 1975 suite à l’acceptation de principe d’un projet de grand interféromètre millimétrique (GIMM), des études de sites sont entreprises en haute montagne dans les Alpes, en Espagne, à Hawaï, en vue de l’implantation des antennes de l’interféromètre, plus tard celles de l’IRAM.

Caravane équipée de moyens de mesures hygrométriques au plateau de Bure,
(2400m, Alpes)  lors des études de site pour le GIMM/l’IRAM (années 1973-78)
avec comme observateurs à tour de rôle : A. Germont, G. Rerat, P. Landry, P. Dierich...

Même lieu (été 2015) avec l’interféromètre de l’IRAM!

Ce fut la création d’une nouvelle voie, mais aussi un grand tournant dans la radioastronomie qui a provoqué la séparation de cette équipe " millimétrique " du DERAD, centré essentiellement sur la radioastronomie aux plus grandes longueurs d’ondes (décimétrique, métrique, décamétrique ) autour de Nançay.

C’est de cette séparation que le DEMIRM (Département de la Matière Interstellaire dans l’Infra-Rouge et le Millimétrique) a été créé en 1980 par Pierre Encrenaz et l’équipe de " millimétriciens ". D’autres " millimétriciens " autour d’Emile Blum (M. Guélin, L. Wéliachew , B. Lazareff, R. Lucas sont partis successivement à Grenoble à partir de 1980 pour former la partie française du noyau de l’IRAM, qui venait d’être créé en avril 1979. J. Delannoy les a rejoint plus tard après avoir passé plusieurs années à la direction de l’Observatoire de Bordeaux.

Le DEMIRM

Le DEMIRM a été créé en 1980 autour d’activités techniques, observationnelles, de traitement et d’analyse des données en ondes millimétriques. Il est issu du Département de Radioastronomie (DERAD) et du groupe de radioastronomie millimétrique de l’ENS créé en 1975 par Pierre Encrenaz. Ce groupe de l’ENS était composé de Françoise Combes, Edith Falgarone, Robert Lucas, Jean-Claude Pernot, puis plus tard Alain Omont, Fabienne Casoli, Maryvonne Gérin, Denis Crété, Bernard Lazareff, Christine Letrou, etc.. Il s’étoffera plus tard d’une équipe d’astrochimistes et se nommera le LRA

Françoise Combes

Edith Falgarone

Bernard Lazareff

Pierre Encrenaz

Gérard Beaudin

Pierre Encrenaz a dirigé le DEMIRM pendant 12 ans, assisté de Gérard Beaudin pour les aspects instrumentaux et de Françoise Combes pour la partie scientifique ainsi que de O. Grobois, Annick Gassais et F. Vergé pour l’administration. Les directeurs adjoints étaient Claudine Laurent puis Yves Viala avec G. Beaudin (aussi responsable du groupe technique-instrumentation " LEMO "). Le DEMIRM, situé à l’origine à Meudon (bâtiment des " communs "), a déménagé sur le campus de Paris en 1993 à la demande du Président Michel Combes afin de mieux équilibrer les activités scientifiques entre les deux sites et rapprocher la partie Observatoire du LRA de l’ENS.

Le laboratoire " micro-ondes " (LEMO), qui deviendra ultérieurement le GEMO, s’est installé en 1993-94 dans le bâtiment des anciens laboratoires de la " caméra électronique " de Lallemand à Paris. Les moyens technologiques du LRA de l’ENS pour la réalisation des composants supraconducteurs ont alors été transférés de l’ENS et installés dans les salles blanches de l’Observatoire de Paris au troisième étage du Bâtiment B, dans le cadre de la création d’un " Pôle technologique ".

Michel Combes, président de l’Observatoire de Paris

Yves Viala

A partir de cette date (1993), la direction du DEMIRM fut assurée pendant 8 ans par Yves Viala assisté de C. Laurent et de G. Beaudin, directeurs adjoints… ceci jusqu’à la création du LERMA en 2001.

Les principales activités du DEMIRM étaient centrées sur le domaine des ondes millimétriques en vue de soutenir l’IRAM et ses activités instrumentales et observationnelles en astrophysique, mais aussi pour développer la R&D (en technologies Schottky à Meudon et en supra-conducteurs à l’ENS) ainsi que les tout premiers instruments d’observation en ondes millimétriques en France : à l’observatoire de Bordeaux avec Alain Baudry, Pierre Encrenaz et al (POM1-Petite Opération MM), dans la bande des 3 mm (75-115 GHz) et sur le plateau de Bures/Alpes avec Alain Castet, R Lucas et al (POM2), dans la bande des 1,5 mm (210-240 GHz) puis toutes les activités du DEMIRM ont été transférées à l’Observatoire de Paris en 1993. Ces petits instruments ont permis d’initier et de former de nombreux jeunes techniciens, ingénieurs et chercheurs (dont Michel Perrault, Didier Despois, Fabienne Casoli, ...) à ces techniques et les préparer aux grands instruments, en particulier pour l’IRAM, puis pour ALMA plus tardivement.

Ces activités technologiques (R&D) et en instrumentation hétérodyne en ondes millimétriques puis submillimétriques, ont également débouché ultérieurement au DEMIRM avec le support du CNES sur des applications spatiales pour l’astrophysique (Pronaos avec Guy Serra , CESR à Toulouse et J.M. Lamarre et J.L.Puget à l’IAS ; Pirog 8 avec Pascal Febvre et le SSC /Suède) mais aussi sur des applications en sciences de la Terre : surface, atmosphère, météorologie (autour de Catherine Prigent), puis ultérieurement en planétologie (autour de Pierre Encrenaz  et de Gérard Beaudin)...

Le LERMA

Jean-Michel Lamarre (avec les maquettes de " Planck " à gauche et " d’Herschel " à droite).



Michel Perault

Suite à une restructuration de l’Observatoire en vue de regrouper des thématiques scientifiques et de réduire le nombre de départements de l’établissement, le LERMA (provisoirement alors nommé  " LUF " pour Laboratoire de l’Univers Froid) est né le 18 juin 2001 de la fusion de deux entités de l’Observatoire de Meudon : le DEMIRM (Département de la Matière Interstellaire en Infrarouge et Millimétrique, dirigé par Yves Viala) et le DAMAP (dirigé par Nicole Feautrier). Une équipe et quelques personnes du LUTH (Laboratoire de l’Univers Théorique) ont rejoint ultérieurement le LERMA.

A cette occasion, le laboratoire micro-ondes du DEMIRM (LMO), animé par G. Beaudin, s’est renommé GEMO (groupe expérimental micro-ondes) afin d’éviter une possible confusion avec le LERMA devenu " Laboratoire… " (NB : Depuis 2014, cette entité est maintenat intégrée au Pôle 4 du LERMA "Instrumentation et télédétection" animé par Catherine Prigent.)

Le LERMA (Laboratoire d’Etudes du Rayonnement et de la Matière en Astrophysique et Atmosphères) d’abord " FRE " CNRS puis UMR 8112) regroupait les sites de Paris, de Meudon, de l’Ecole Normale Supérieure, de l’Université Pierre et Marie Curie (P6) et de l’Université de Cergy Pontoise. La vocation scientifique du LERMA était alors centrée sur l’étude du milieu interstellaire, des galaxies et de leur évolution, la physique atomique et moléculaire ; la physique fondamentale (gravitation et cosmologie) et l’instrumentation submillimétrique hétérodyne et ses applications.

En effet, à la suite du DEMIRM, le LERMA a poursuivi avec le groupe GEMO, puis ensuite dans le cadre du pôle 4 avec le " nouveau LERMA " à partir de 2014, les activités de R&D et instrumentales en ondes mm, submm puis THz dans le domaine des dispositifs à semi-conducteurs (diodes Schottky) et à supra-conducteurs (jonctions SIS, HEB..). Ces travaux soutenus par les instances européennes et spatiales (EU, CNES , ESA), ont débouché sur des applications menées en coopérations internationales pour la physique atmosphérique et la météorologie (instrument SAPHIR sur la plateforme Mega-Tropiques), la planétologie (comètes et astéroïdes avec le radio-spectromètre MIRO sur Rosetta), pour l’astrophysique (l’observatoire spatial en IR et submilimétrique Herschel) et participation à l'instrumentation de la mission Planck pour la cosmologie puis de nouveau pour la planétologie (instrument SWI en cours de développement pour la mission JUICE sur Jupiter et ses lunes glacées). Ces activités ont permis d’ouvrir à de nombreuses collaborations universitaires, industrielles, en France, en Europe et avec les USA (Universités, NASA: JPL, Goddard, etc..).

Le LERMA s’est également impliqué au niveau international dans des développements logiciels pour le traitement des grands flots de données des très grands instruments de radioastronomie au sol (ALMA en ondes milimétriques et submilimétriques puis ultérieurement SKA aux plus grandes longueurs d’ondes).

Pendant la 1ere période, de décembre 2001 à fin 2007, la direction du LERMA était assurée par Jean-Michel Lamarre (ex chercheur à l’Institut d’Astrophysique Spatiale "  IAS  ", concepteur et " Mission-Scientist " de l’instrument HFI de Planck), assisté de Geneviève Bouet puis de Chantal Levivier avec Christiane Jouan à Meudon et Laurent Girot à Paris pour l’administration et le budget. Les directeurs adjoints étaient alors Nicole Feautrier puis Véronique Bommier et Gérard Beaudin (Directeur technique et Directeur adjoint).

Michel Pérault (ex responsable de l’équipe LRA du LERMA de l’ENS) a assuré la direction du LERMA pendant la seconde période, de janvier 2008 à fin avril 2014. Il était assisté d’une administratrice-assistante de direction : Chantal Levivier puis de Valérie Audon, d’un directeur adjoint :   Laurent Pagani, d’un directeur technique et adjoint : Gérard Beaudin puis Jean-Michel Krieg, d’une chargée de mission : Sylvie Cabrit, d’un administrateur financier : Laurent Girot.

NB : Lydia Tchang-Brillet (responsable scientifique du spectromètre UV de 10m) à Meudon avait repris la direction de l’implantation UPMC à Ivry (en attente de désamiantage du campus de l’UPMC à Jussieu) ; Chantal Stehlé succédait à Nicole Feautrier à la direction de l'équipe de Meudon, et Maryvonne Gerin reprenait celle de l'équipe LRA de l'ENS en remplacement de Michel Pérault.

Transformation du LERMA

L’idée de l’association entre le LERMA et le LPMAA. est apparue dès fin 2011 sous l’impulsion conjointe de Michel Pérault (Directeur du LERMA) et de Marie-Lise Duberney (Directrice du LPMAA à l’Université de Paris 6 / UPMC à Jussieu). L’association de ces 2 entités, d’abord identifiée sous le sigle LERMAA puis LERMA2, s’est finalement concrétisée en Conseil de Laboratoire le 19 juin 2014 sous le sigle simplifié : LERMA.

Le LERMA, organisé en 4 Pôles thématiques de recherche et 1 pôle support, était alors implanté sur 5 sites en région parisienne : à l’Observatoire de Paris (sites de Paris et Meudon), à l’Université Pierre et Marie Curie (Sorbonnes Université), au Département de physique de l’ENS (LRA), et à l’Université de Cergy Pontoise (LAMAP), mais le groupe LRA de l’ENS, rattaché à nouveau au Laboratoire de Physique (comme en 1975), a quitté le LERMA.

La direction du " nouveau " LERMA était assurée depuis le 1er mai 2014 par Darek Lis (ex Caltech Univ., CA, USA), assisté des directeurs adjoints : Jean-Hugues Fillion (UPMC) et Franck Le Petit (Obs Meudon), d’un directeur Technique : Jean-Michel Krieg, d’un administrateur financier : Laurent Girot (remplacé par Murielle Chevrier) et d’une responsable administrative/attachée de direction et RH : Valérie Audon (remplacée provisoirement par Murielle Chevrier).

Depuis 2019, la direction du LERMA est successivement assurée par Jean-Hugues Fillion puis par Benoît Semelin.

À suivre...

Darek Lis en 2018.