Petit historique de la radiométrie micro-ondes pour l’observation de la Terre à l’Observatoire de Paris-Meudon

Les premiers développements instrumentaux pour l’observations de la Terre

Les développements instrumentaux en ondes millimétriques menés à l’Observatoire de Paris (DEMIRM puis LERMA) pour l’astrophysique et la planétologie ont permis la réalisation d’instruments pour la radiométrie micro-ondes destinés à l’observation de la Terre (atmosphère et surfaces), à partir du milieu des années 80. Le financement de thèses de doctorat par les institutions (CNES, CNRS) ou les industriels (Matra, Alcatel), a stimulé cette activité.

Des instruments micro-ondes dans les domaines millimétriques et submillimétriques aéroportés puis embarqués sur satellites ont vu le jour grâce à des transferts de technologies de l’Observatoire vers l’industrie spatiale et la formation de leur personnel aux technologies millimétriques et sub-millimétriques. En a bénéficié surtout Matra (devenu Matra Marconi Space, ASTRIUM, EADS et maintenant Airbus) et Alcatel (devenu Thales).

On peut citer les premiers développements :

Ce transfert de technologie du DEMIRM à Matra Marconi Space n’a pas été vain, car cette société a développé puis intégré l’instrument Microwave Humidity Sounder (MHS) sur les plateformes EUMETSAT de météorologie opérationnelle, en orbite basse polaire depuis 2006, sur les missions MetOp. Cet instrument en orbite basse ne nécessite qu’un réflecteur de taille réduite pour atteindre la résolution spatiale souhaitée. Il comporte 5 canaux (3 canaux -dans la raie de H2O à 183 GHz, et 2 canaux fenêtres à 89 et 150 GHz).

Depuis, Airbus et Thales participent au développement de nombreux instrument microondes passives pour la météorologie opérationnelle (MWI, MWS, ICI), mais aussi pour les missions d’observation de la Terre, en accompagnement des altimètres ou pour des satellites Copernicus (le projet CIMR par exemple).

Microwave Humidity Sounder (MHS) pour les plateformes MetOP d’EUMETSAT

Caractérisation de l’atmosphère et des surfaces planétaires

La composante ’Télédétection de la Terre et des planètes’ est centrée sur la radiométrie micro-onde et millimétrique à partir de satellites, pour la caractérisation de l’atmosphère et des surfaces planétaires. Différents aspects sont couverts, y compris l’analyse des observations par satellite, la modélisation du transfert radiatif et le développement de méthodes d’inversion. Les projets sont en lien directe avec les études instrumentales. Le groupe travaille à la fois sur l’analyse des atmosphères et des surfaces. Il utilise en priorité les microondes, mais explore aussi la synergie avec les observations visibles et infrarouges. Il produit des variables géophysiques (par exemple, l’humidité du sol, des étendues d’inondation, des émissivités) sur de longues séries temporelles à l’échelle du globe, pour une utilisation en climatologie ou en météorologie.

En fait, les mesures des sondeurs microondes atmosphériques sont les données qui contribuent le plus à l’amélioration de la prévision du temps, parmi toutes les observations assimilées. Cet impact important vient non seulement du fort contenu en information de chaque observation microonde, mais aussi du fait qu’un plus grand nombre de données est assimilée puisqu’elles sont moins contaminées par les nuages que les autres observations satellites (et ceci malgré le faible volume de données intrinsèque fourni par AMSU par rapport aux sondeurs infrarouges hyperspectraux tels que AIRS ou IASI). Pour sa prochaine génération de satellites météorologiques prévue vers 2022 (MetOp-SG, pour Seconde Génération), l’Europe a décidé de fortement renforcer les observations microondes passives, avec l’ajout sur ces missions de deux instruments le MicroWave Imager (MWI) et le Ice Cloud Imager (ICI), en plus du sondeur en température et en humidité (MicroWave Sounder (MWS)). Avec l’instrument ICI, des observations jusqu’à 700 GHz seront pour la première fois effectuées pour la météorologie opérationnelle. Ces mesures auront une grande sensibilité à la glace dans les nuages et vont permettre une estimation du contenu en glace dans les nuages, une variable très mal connue à l’heure actuelle. Le groupe télédétection à l’Observatoire est fortement impliqué dans les développements scientifiques pour MWI et pour ICI.

Estimation du contenu intégré en glace, en kg/m2, tel qu’il sera estimé par ICI,
pour une situation aux moyennes latitude en hiver,
grâce aux canaux de ICI entre 180 et 700 GHz.

Les satellites opérationnels Copernicus des Communautés Européennes (les satellites ‘Sentinel’) n’incluent pour le moment pas d’observations microondes passives. Pour la nouvelle génération de satellites Copernicus, il a été décidé très récemment, de lancer un imageur microonde, le Copernicus Imaging Microwave Radiometer (CIMR), avec des fréquences entre 1.4 et 36 GHz et une antenne de plus de 8m de diamètre. Notre groupe a travaillé sur ce projet dès son origine et joue un rôle clé dans les développements pour CIMR, pour la caractérisation des océans, des glaces de mer, ou des surface continentales.

Vue d’artiste de la mission CIMR, avec des observations entre 1.4 et 36 GHz, et une antenne de 8 m de diamètre. Son principal objectif est l’étude des régions polaires, mais fournira aussi une caractérisation globale des surfaces océaniques et continentales, quelle que soit la couverture nuageuse, et avec une résolution spatiale inégalée jusqu’à présent.

La couverture de glace de mer (en pourcentage), telle qu’elle pourra être estimée par CIMR, à la fois sur les pôles nord et sud, pour deux saisons différentes.

C’est un âge d’or qui s’ouvre en Europe pour la communauté microonde passive, avec le lancement dans les prochaines années de plusieurs instruments microondes passives très innovants (ICI, CIMR, mais aussi MWI et MHS), alors que, jusqu’à présent, nous étions en grande partie tributaires des instruments américains (par exemple SSM/I) ou japonais (AMSR). Nous formons des étudiants à l’Observatoire et espérons qu’ils participeront pleinement à l’exploitation de ces observations microondes passives. Noter aussi que le groupe discute aussi régulièrement avec les planétologues, pour l’analyse des observations satellites des planètes du système solaire, en utilisant des méthodes similaires.



Par Catherine Prigent