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Le projet CIDRE

CIDRE : Campagne d'Identification du Deutérium par Récepteur hEtérodyne.

Le projet est de construire un récepteur astronomique à haute fréquence (radio) et d'effectuer des vols en ballon pour faire des observations du milieu interstellaire. Nous envisageons un télescope consistant en un miroir primaire de 0.83m et qui permettrait de faire des observations jour et nuit. Le récepteur sera un récepteur hétérodyne probablement de 4 pixels couvrant une bande de fréquences large autour de 2.6 THz (avec une résolution inférieure au MégaHertz). Les plus grands défis technologiques seront le mélangeur et l'oscillateur local (OL), qui requerront de nouvelles technologies aussi bien que de la recherche & développement. L'optique sera elle aussi un challenge, mais utilisera principalement des procédés déjà bien connus (bien qu'à des longueurs d'onde plus petites, la précision en fabrication et alignement devient alors plus élevée). L'optique contiendra aussi quelques concepts sophistiqués pour assurer un bon couplage du signal et de l'OL dont la puissance est relativement faible. Voici donc l'exposé de l'optique et du récepteur.

Optique

Pour collecter le signal astronomique CIDRE aura un miroir de 0.83 m fixé à une gondole suspendue à un ballon stratosphérique fourni par la division ballon du CNES. Le télescope atteindra une résolution ∼30” dans le ciel,
ce qui est comparable à la résolution des télescopes courants au sol à des fréquences plus basses (comme le 30m de l'IRAM ou le JCMT de 15m). Cela nous permettra de comparer directement des observations à de plus basses fréquences radio avec les observations CIDRE.

Chemin Optique
Chemin optique pour le projet CIDRE

Chemin Optique

La lumière du ciel (qui vient de la gauche dans le graphique ci-dessus) est focalisée par le miroir primaire, M1. Ensuite le miroir M2 refocalise et redirige le faisceau puis la lumière passe par le miroir K, qui peut tourner l'image pour compenser la rotation du ciel. Les miroirs M3 et M4 redirigent la lumière sur le banc optique, dont la figure à droite est une vue de dessus. Sur le banc optique, il y a l'OL qui est dans ce cas dans le cryostat en bas. Pour superposer efficacement le signal du ciel avec celui de l'OL on peut utiliser un interféromètre Martin-Puplett. A l'entrée de l'interféromètre Martin-Puplett (MP) le signal du ciel et de l'OL ont des polarisations perpendiculaires. Le MP superpose les deux signaux en tournant les polarisations (Pour une explication plus détaillée, suivez ce lien). Les deux signaux avec une polarisation identique sont ensuite dirigés vers le mélangeur, qui se trouve dans le cryostat en haut à gauche.

Mélangeur - Bolomètre à Electrons Chaud (HEB)

Dans le domaine de la détection hétérodyne sub-millimétrique (300 GHz – 3 THz), les récepteurs à supraconducteurs restent aujourd’hui les plus performants car ils permettent de combiner une très haute résolution spectrale avec des températures de bruit de réception approchant la limite de bruit quantique. Deux types de détecteurs sont utilisés : jonction à effet tunnel (SIS – Supraconducteur Isolant Supraconducteur) et bolomètre à électrons chauds (HEB - Hot Electron Bolometer). Les récepteurs SIS montrent des caractéristiques très performantes jusqu'à environ 1 THz et les récepteurs à HEB sont très prometteurs pour des fréquences au delà du THz.

Un bolomètre à électrons chauds se compose essentiellement d'un micro-pont à supraconducteur d’une épaisseur de l'ordre de quelques nanomètres et d’une longueur de quelques centaines de nanomètres. L’échauffement des électrons dû à l'absorption d'une onde incidente provoque la transition d'état supraconducteur - état normal à la température critique Tc. La détection se fait à travers la modification, à la fréquence du battement entre le signal RF et le signal OL, de la résistance du film due à l’échauffement des électrons dans le film.

Le mélangeur HEB présente de nombreux avantages pour la détection submillimétrique. En particulier, l’impédance d’un HEB est purement résistive permettant un couplage simplifié avec l’antenne. D’autre part, la montée en fréquence n’est plus limitée comme dans le cas des SIS par l'apparition d'un court-circuit capacitif. Les mélangeurs HEB sont pressentis pour jouer un rôle clé dans de futurs projets nécessitant des récepteurs ultra-sensibles dans le domaine THz.

HEB
Photo d’un HEB réalisé avec l’antenne spirale.


Nous développons dans le cadre des projets du CNES et de la Communauté Européenne le mélangeur HEB dans la gamme de fréquences au delà du THz. Les composants HEB sont en Nitrure de Niobium et de type à refroidissement par phonons. Le mélangeur est en configuration quasi-optique. Une photo d’un composant réalisé est montrée sur la figure ci-dessus. Le HEB mesure 0.2 µm de longueur, 2 µm de largeur, avec une épaisseur de 3.5 nm. Les récepteurs développés ont montré très récemment d’excellents résultats. La température de bruit obtenue sur un récepteur à 2.5 THz et sans aucune correction atteint 800K qui se situe actuellement au meilleur niveau mondial.

Oscillateur Local (OL)

Le principe du récepteur hétérodyne impose l'utilisation d'un oscillateur local qui doit être très stable en fréquence et en puissance. Sa fréquence doit être connue précisément et réglable facilement couvrant la même gamme de fréquences que les raies qui seront observées (donc 2.5-2.7 THz) et sa puissance doit dépasser quelques µW. Actuellement le projet CIDRE retient deux options pour son oscillateur local:
  1. Une chaîne de multiplicateurs de fréquence
  2. Le Laser à Cascade Quantique (ou QCL pour Quantum Cascade Laser)

La chaîne de multiplicateurs:

Pour obtenir une fréquence de sortie de 2.7 THz on peut utiliser une chaîne de multiplicateurs qui multiplie la fréquence du signal initial. La multiplication a des pertes qui sont partiellement compensées par un amplificateur dans les premiers étages pour nous permettre de donner assez de puissance en sortie de l'OL.


Les multiplicateurs sont développés au LERMA par Alain Maestrini et son équipe.


Le Laser à Cascade Quantique:

Les QCL sont des lasers semi-conducteurs qui émettent de l'infrarouge moyen à l'infrarouge lointain. Ils consistent en couches fines de semi-conducteurs  formant ainsi un super-réseau. Ce super-réseau a un champ électrique variable qui donne lieu à plusieurs niveaux permis pour les électrons. Dans un QCL, quand un électron a effectué une transition entre deux sous-bandes et émis un photon sur une période du super-réseau, il peut passer à la prochaine période du super-réseau par effet tunnel. Cela permet de créer plusieurs photons avec un seul électron, donnant ainsi le nom de "cascade" au dispositif.

Pour CIDRE le LERMA est en collaboration avec des experts des QCLs.


Comparaison 

Performances Multiplier Chain Quantum Cascade Laser
Puissance ˜ 10μW ˜ 1mW
Stabilité en puissance Bonne Moyenne
Bande de fréquence 10% 20 x 0.1%
Précision en fréquence Bonne Moyenne
(Bonne avec Phase Lock Loop)
Température d'opération 300K (ou moins) 40K
Monochromatique Oui Possible


Pour conclure sur l'OL, un oscillateur local de type chaîne de multiplicateurs est un OL utilisé avec succès dans des récepteurs astronomiques existants, mais il manque encore un peu de puissance pour l'utiliser dans le domaine THz. Les QCLs donnent assez de puissance, mais il faut les refroidir et faire des développements R&D avant qu'ils puissent être utilisés dans des récepteurs (question de gamme de fréquences émises, couplage, phase lock loop,...). Les QCL sont des OL très prometteurs pour les hautes fréquences dans l'avenir.

Chaîne FI et FFTS

La chaîne FI amplifie le signal sortant du mélangeur HEB et l'adapte pour le FFTS (Fast Fourier Transform Spectrometer). En sortant du mélangeur HEB, le signal FI est très faible (vers -80 dBm). Le premier amplificateur est le plus critique car sa température de bruit doit être suffisamment faible pour être négligeable devant le signal qui est à environ 1000K en sortant du HEB. Pour diminuer la température du bruit du premier amplificateur il faut le refroidir, normalement entre 4 et 20K. Comme l'amplificateur donne un gain, le signal est plus puissant en sortant du premier amplificateur et le reste de la chaîne peut donc être utilisée à température ambiante (˜ 300K) car son bruit est alors négligeable comparé au signal.

Un modèle de chaîne FI pour CIDRE: Chaîne FI
Le FFTS est un analyseur de spectre dont sera équipé CIDRE. Les FFTS à présent peuvent analyser autour de 2GHz de bande passante avec une résolution inférieure à 1MHz.  Le signal FI sortant du mélangeur sera de l'ordre de quelques GigaHertz (env. 4 GHz).  Si on veut regarder un signal astronomique plus large, et si le HEB a une FI plus élevée, on peut diviser le signal FI en deux et l'analyser en utilisant deux canaux du FTS (comme montré sur le schéma ci-dessus).