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OH et HD

Le récepteur de CIDRE est conçu pour observer principalement les molécules OH et HD. OH a plusieurs transitions fondamentales dont celles autour de 2510 GHz et 2514 GHz (J = 5/2 → 3/2). La transition fondamentale de HD (J = 1 → 0) est à 2675 GHz, quant à elle.

Le groupe Hydroxyle : OH

OH est un traceur fondamental pour la compréhension de la chimie de l'oxygène et de l'azote, dont on possède une faible compréhension actuellement. Par exemple, O2 qui est un produit direct de OH :

OH+H

est de deux à trois ordres de grandeur plus rare que ce que l'on pensait initialement et les modèles chimiques ne sont pas encore capables d'expliquer ce fait avec certitude (Olofsson et al. 1998, Goldsmith et al. 2002 , Pagani et al. 2003, Larsson et al. 2007, Goldsmith et al. 2011, Liseau et al. 2012). OH est aussi lié à H2O car ils sont tout les deux produits par la recombinaison dissociative de H3O+ :

H30+ + e-

et, par conséquent, leur abondance devrait être corrélée (dans la mesure où OH ne disparait pas dans la réaction de production de O2, ce qui semble être le cas, étant donné le manque de détections de O2).
Cependant, cette corrélation ne semble pas être observée, et des mesures précises de OH (avec CIDRE) et de nombreuses autres espèces associées à la production de H2O (OH+, H2O+) avec Herschel pourrait permettre une meilleure compréhension de ce problème de la chimie interstellaire.

Il est particulièrement intéressant de comparer directement OH+ et OH avec les mêmes résolutions spectrales car ces deux espèces devraient être liées entre elles, comme le montre le modèle PDR de Meudon (Le Petit et al. 2009).

Une autre étude intéressante avec OH est la détermination du ratio isotopique de 16OH, 17OH et 18OH, qui ont tous des transitions proches de 2.5 THz.
Les gradients des ratios 17O/16O et 18O/16O le long du rayon galactique sont une mesure du taux de formation d'étoiles (L'abondance d'isotopes rares 17O et 18O, augmente avec la formation d'étoiles) dans la galaxie. On s'attend que le ratio 17O/18O augmente vers le centre de la galaxie qui a connu un régime de formation stellaire beaucoup plus soutenu que la région locale du système solaire mais il semble être indépendant du rayon, ce qui est un puzzle pour les théoriciens. Cependant, cette mesure pourrait s'avérer difficile soit parce que les raies de 16OH seront optiquement épaisses ou parce que les isotopologues seront difficiles à détecter.

OH pourra être vu facilement en absorption dans le milieu diffus en face de sources comme W49, W51 (Fig.4) ou le centre galactique (Vastel et al. 2000, Goiocoechea et al. 2010). Cela nous permettra d'étudier le milieu diffus avec une grande précision car seul un instrument hétérodyne possède assez de résolution spectrale pour détecter et séparer les composantes de faible vitesse vues en absorption. 

OH joue aussi un rôle crucial dans la chimie de l'azote. Le groupe hydroxyle est impliqué dans la réaction qui initie la fabrication de l'ammoniac :

Azote
N2 peux donc former N2H+, ou être ionisé par les rayons cosmiques pour commencer la chimie de l'ammoniac. Cependant, cette chimie n'est pas totalement comprise comme mentionné par Hily-Blant et al. (2010) qui trouve des ratios NH/NH2/NH3 anormaux dans l'enveloppe d'une source de classe 0, IRAS 16293-2422. Des observations de OH avec CIDRE en association avec des observations d'espèces azotées avec d'autres télescopes aideraient à étudier ce problème.

En résumé, les observations de OH sont essentielles pour étudier les nombreux aspects de la chimie interstellaire (pour l'oxygène) et pour avoir un aperçu de la dynamique des nuages diffus.

Une espèce deutérée : HD

Le deutérium est un des éléments primordiaux qui a été créé uniquement juste après le Big Bang, dans les fameuses premières minutes de l'Univers. Plus tard, il est détruit à l'intérieur des étoiles (phénomène d'astration) et est donc en constante diminution depuis sa création.

Le ratio deutérium/hydrogène est donc une mesure de l'histoire de la formation d'étoiles depuis la création de l'Univers.

Dans notre galaxie, par exemple, on s'attendrait à une augmentation du ratio D/H avec le rayon galactique car la formation d'étoiles est plus efficace au centre de la galaxie.

Malheureusement, le deutérium atomique est seulement mesurable en absorption dans l'UV sur de courtes distances (= 500 pc) à cause de la saturation rapide des raies. Cependant, dans le milieu interstellaire dense, le deutérium est en grande majorité inclus dans les molécules deutérées de dihydrogène, HD, dont la transition rotationnelle fondamentale est à 2,7 THz.

HD
HD

Nous voulons aussi étudier le problème du ratio local : bien que le ratio D/H dans la bulle locale (∼ 150 pc de rayon) semble plutôt constant, (D/H ∼1.5 × 10-5), la valeur semble moins certaine au-delà de cette bulle. En fait, un débat est en cours entre ceux qui défendent une abondance de D plus faible (D/H ∼ 7 × 10-6, e.g. Hébrard et al. 2006) et ceux qui prétendent que la valeur est plus élevée (D/H ∼ 2.3 × 10-5, Limsky et al. 2006). De nouvelles observations devraient être faites avec un récepteur possédant une grande résolution spectrale comme nous le proposons pour faire avancer ce problème.

La raie de OH est faible mais a été détectée par ISO (premières raies rotationnelles) et maintenant, Spitzer (raies rotationnelles en infrarouge).

La résolution spectrale limitée de ISO a permis la détection de HD uniquement dans Orion (Wright et al. 1999, Bertoldi et al. 1999) et Sgr B2 (Polehampton et al. 2002) en émission et possiblement en absorption devant W49 (Caux et al. 2002). Avec la résolution spectrale bien plus élevée de CIDRE, nous serons capables de détecter cette raie dans beaucoup plus d'endroits pour tracer l'abondance du Deuterium le long du rayon galactique.

Enfin, la formation de OH et HD sont toutes les deux initiées par ionisation due aux rayons cosmiques suivies de réactions d'échange de charges (Hartquist et al. 1978). L'abondance de l'élément O étant connue, p.e. Meyer et al. (1998), l'observation des deux espèces, HD et OH, peut permettre une estimation du flux de rayons cosmiques et du ratio D/H comme expliqué par Federman et al. (1996) et Le Petit et al. (2002).